samedi 21 décembre 2019

Star Wars: The Rise Of Skywalker (CRITIQUE)


Dire que l'on attendait cet opus avec impatience est un doux euphémisme... non, en fait, personne en avait rien à branler, loin des attentes suscitées entre les épisodes du Seigneur des anneaux ou à la fin de Matrix, la faute à des enjeux absents, à des cliffhangers risibles (tu veux mon gros sabre?). The Rise Of Skywalker, neuvième opus de la saga aux trois trilogies, vient donc parachever une Œuvre colossale, inégale et en perpétuelle évolution, la faute aux jeux vidéos, série Tv, comics, romans et sans doute aux futurs films, faut pas se leurrer. A J.J Abrams la lourde tâche de finir une histoire sabordée dans les grandes lignes par son prédécesseur, avide de faire son film plutôt que de raconter une histoire déjà largement entamée, faisant de Luke un personnage caricatural et menant les side-kicks pendant une heure dans une quête secondaire et finalement inutile. Abrams du coup a le défaut de faire simple et de convoquer à peu près tous les illustres anciens pour des moments larmoyants et/ou has-been. Du fan service en veux-tu en voilà comme dans le Réveil de la Force. En voulons-nous plus? Là est le grand enjeu du film et la statut actuel de la saga. Avec un démarrage à 450 millions de billets verts, il semblerait que mes semblables kiffent le recyclage. Cinématographique en tout cas. 

Si l'on prend le film comme un objet indépendant de son lourd héritage, on a tout de même un objet de belle facture avec de très grands moments de science-fiction, des batailles multiples et un sens du rythme effréné. The Rise Of... est aussi un opus sombre, avec un antagoniste superbe de noirceur dans un final que ne renierait pas Katsuhiro Ōtomo. Clichés, défauts et grosses ficelles mise à part donc, on passe un moment agréable comme une vieille paire de pantoufles. On rechigne et on râle mais à chaque défilé du générique d'ouverture, on replonge.

lundi 16 décembre 2019

Marriage Story, de Noah Baumbach (CRITIQUE)


Autre mastodonte Netflix pour la fin d'année et la traditionnelle saison des prix, Marriage Story réunit un couple d'acteurs épatants, Adam Driver et Scarlett Johansson.
Marriage Story, c'est l'histoire d'une séparation et ses conséquences, la mise en place d'un divorce et ses ajustements, ses tiraillements, ses doutes, sa rancœur, sa colère. Noah Baumbach ouvre son film sur une déclaration d'amour de chaque membre du couple à son partenaire. On est chez Woody Allen, c'est léger, c'est doux, c'est poétique. Puis l'on bascule chez le conciliateur et l'aigreur vous submerge d'un seul coup. On est parachuté dans Kramer contre Kramer. Marriage Story nous raconte que l'amour c'est une rencontre mais que la vie va parfois trop vite et dans tous les sens, qu'à se rencontrer trop fort, on finit pas s'entrechoquer. Baumbach, qui évoque son propre cas, filme avec pudeur ce couple submergé par les avocats rapaces qui veut jouer la carte du consensus pour ne pas bousculer leur fils, tout en ne voulant rien céder à l'autre. Baumbach oppose New York et Los Angeles, Hollywood et le théâtre, la télévision et Broadway. D’antagonisme en guerres d'égo, il tisse un constat amer sur les rapports humains, leur instrumentalisation et leurs dégâts sur l'âme. Marriage Story est un beau film aigre-doux porté par un Adam Driver exceptionnel et une Scarlett riche en émotions (ce plan lorsqu'elle va se coucher et qu'elle s'effondre en larmes...). Deux acteurs capables de passer du pop-corn Disney-Marvel au ciné indé. Sans être larmoyant ou stéréotypé, le film montre deux êtres perdus, au bout d'un processus, qui s'aiment encore à travers la nostalgie et les souvenirs. Marriage Story est une bonne surprise de cette fin d'année.

samedi 14 décembre 2019

The Irishman, de Martin Scorsese (CRITIQUE)


A chaque chronique, je suis obligé de balayer du bras une polémique, de me justifier presque avant de parler de l’œuvre. La faute à une société pute-à-clics, avide de polémique et de débats, d'hashtags et de buzz. Et surtout de tempêtes dans des verres d'eau. Scorsese a émis des réserves publiques sur Disney et ses films Marvel. Il a eu raison. Et Coppola encore plus en disant que c'était de la merde formatée. Ses deux gars sont responsables d'au moins la moitié des dix plus grands films de tous les temps (Le Parrain 1 et 2, Apocalypse Now, Taxi Driver et Casino). Les films Marvel sont des parcs d'attraction, oui Martin, tous formatés pour aller chercher le milliard de recettes le plus rapide possible, un déluge de CGI, des acteurs cablés et couverts de capteurs s'agitant devant des écrans verts puis refondus par ordinateur. Alors oui, Scorsese a eu le retour de flammes: son film ne sort que chez Netflix et ses acteurs sont rajeunis numériquement. Oui mais pourquoi la fine fleur du Nouvel Hollywood doit aller chez Netflix? Parce que la plateforme est la seule à lui avoir proposé un chèque en blanc pour son film, parce qu'une sortie ciné chez n'importe quel autre studio aurait été un suicide commercial... face aux films Disney. La quadrature du cercle.

The Irishman était une arlésienne pour Scorsese qui a souvent plusieurs projets en cours et qui fait dans le production hell par manque de temps, de moyen, conflits d'emploi du temps avec tel acteur ou autre. Pour The Irishman, il voulait balayer 50 ans d'histoire de la pègre et des USA (est-ce si différent?) sans avoir recours à des acteurs plus jeunes pour jouer les plus vieux. Les nombreux flash-backs du récit l'ont dissuadé d'avoir recours à ce procédé. Il a patienté que la technique progresse. Pour se donner les moyens de filmer ce qu'il avait en tête. Comme Cameron qui innove et fait avancer le cinéma à chaque projet. Les derniers Star Wars et plus récemment Captain Marvel nous ont confirmé que l'on pouvait ressusciter un acteur décédé ou rajeunir quelqu'un de façon plus que crédible, sans que ça ne ressemble trop à un jeu vidéo. Dans The Irishman, les visages de Pesci et De Niro varient selon le temps. C'est parfois très réussi, parfois un peu moins, parfois pas du tout. La gestuelle physique trahit parfois le procédé. Et l'excès se ressent sur quelques scènes. Voilà pour le purement technique. 

I heard you paint houses, livre à la base du scénario, est une compilation de récits de Frank Sheeran, récits datant des cinq dernières années de sa vie. Un récit détaillé et bouillant sur les rouages du crime organisé, sur l'ombre qui influence la Grande Histoire. Un récit remis en question comme souvent avec les autobiographies, posant la question de l'authenticité, de la véracité même. Scorsese ne juge pas ou ne débat pas autour de son personnage, il se poste en chroniqueur d'une époque et contemple ses personnages s'agitant au bout des fils. 

The Irishman est un film exceptionnel. Une narration de 3h30 (autre raison pour laquelle le film n'aurait pas pu sortir sur grand écran) hallucinante de rythme. Tenir le spectateur en haleine pendant aussi longtemps, c'est incroyable: montage parfait, flash-backs, jonglage d'une époque à une autre, alternance de voix off. En prenant au pied de la lettre le point de vue de Frank Sheeran, nettoyeur de la pègre italo-américaine, vétéran de guerre, syndicaliste routier, Scorsese trouve un fil rouge à 50 ans d'histoire des Etats-Unis, de JFK à Jimmy Hoffa, de la Deuxième Guerre Mondiale jusqu'au conflit serbe. Un fil rouge à sa propre filmographie, de ses films de Mafia jusqu'à ses thème chers, la rédemption et le pardon. The Irishman est un film somme. Un film de géants. Pacino. Pesci. De Niro. Scorsese. Les prestations sont ahurissantes. Scorsese enchaîne les plans séquences en steady. C'est brillant. Le film est beau, vif, passionnant. Sheeran est un personnage torturé entre ses différentes amitiés et ses différents liens, entre sa famille et sa hiérarchie. Un soldat droit dans ses bottes. Le devoir, l'omerta, le code d'honneur, tout se mélange. Le Hoffa de Scorsese est un écrin parfait pour Pacino qui n'est jamais aussi bon que lorsqu'il bouillonne. Pesci incarne l'antithèse de ses précédents personnages scorsesiens, tous azimutés et prêts à tout faire foirer. Il est ici le pacificateur entre toutes les branches, plus proche d'un Corleone qu'autre chose, celui qui tisse dans l'ombre et qui décide. Et qui dicte sentence. The Irishman est un film crépusculaire, un film que l'on ne reverra probablement plus jamais. J'ai fini le film avec un fort sentiment de tristesse, comme si j'avais regardé une fleur se faner irrémédiablement pendant trois heures. La fin d'un feu d'artifice, la fin d'une époque. La fin de mon cinéma, celui avec lequel j'ai grandi, celui que j'ai aimé et qui a fait de moi ce que je suis aujourd'hui. C'est à la fois triste et beau. Ce que voulait dire Scorsese avec Marvel, c'est que c'était mieux avant. Oui, c'était mieux avant. Le chemin a été beau. Je me noie dans la nostalgie. The Irishman a la classe, c'est un film d'ambition, un film pas facile mais auquel Scorsese n'a pas renoncé.