samedi 21 décembre 2019

Star Wars: The Rise Of Skywalker (CRITIQUE)


Dire que l'on attendait cet opus avec impatience est un doux euphémisme... non, en fait, personne en avait rien à branler, loin des attentes suscitées entre les épisodes du Seigneur des anneaux ou à la fin de Matrix, la faute à des enjeux absents, à des cliffhangers risibles (tu veux mon gros sabre?). The Rise Of Skywalker, neuvième opus de la saga aux trois trilogies, vient donc parachever une Œuvre colossale, inégale et en perpétuelle évolution, la faute aux jeux vidéos, série Tv, comics, romans et sans doute aux futurs films, faut pas se leurrer. A J.J Abrams la lourde tâche de finir une histoire sabordée dans les grandes lignes par son prédécesseur, avide de faire son film plutôt que de raconter une histoire déjà largement entamée, faisant de Luke un personnage caricatural et menant les side-kicks pendant une heure dans une quête secondaire et finalement inutile. Abrams du coup a le défaut de faire simple et de convoquer à peu près tous les illustres anciens pour des moments larmoyants et/ou has-been. Du fan service en veux-tu en voilà comme dans le Réveil de la Force. En voulons-nous plus? Là est le grand enjeu du film et la statut actuel de la saga. Avec un démarrage à 450 millions de billets verts, il semblerait que mes semblables kiffent le recyclage. Cinématographique en tout cas. 

Si l'on prend le film comme un objet indépendant de son lourd héritage, on a tout de même un objet de belle facture avec de très grands moments de science-fiction, des batailles multiples et un sens du rythme effréné. The Rise Of... est aussi un opus sombre, avec un antagoniste superbe de noirceur dans un final que ne renierait pas Katsuhiro Ōtomo. Clichés, défauts et grosses ficelles mise à part donc, on passe un moment agréable comme une vieille paire de pantoufles. On rechigne et on râle mais à chaque défilé du générique d'ouverture, on replonge.

lundi 16 décembre 2019

Marriage Story, de Noah Baumbach (CRITIQUE)


Autre mastodonte Netflix pour la fin d'année et la traditionnelle saison des prix, Marriage Story réunit un couple d'acteurs épatants, Adam Driver et Scarlett Johansson.
Marriage Story, c'est l'histoire d'une séparation et ses conséquences, la mise en place d'un divorce et ses ajustements, ses tiraillements, ses doutes, sa rancœur, sa colère. Noah Baumbach ouvre son film sur une déclaration d'amour de chaque membre du couple à son partenaire. On est chez Woody Allen, c'est léger, c'est doux, c'est poétique. Puis l'on bascule chez le conciliateur et l'aigreur vous submerge d'un seul coup. On est parachuté dans Kramer contre Kramer. Marriage Story nous raconte que l'amour c'est une rencontre mais que la vie va parfois trop vite et dans tous les sens, qu'à se rencontrer trop fort, on finit pas s'entrechoquer. Baumbach, qui évoque son propre cas, filme avec pudeur ce couple submergé par les avocats rapaces qui veut jouer la carte du consensus pour ne pas bousculer leur fils, tout en ne voulant rien céder à l'autre. Baumbach oppose New York et Los Angeles, Hollywood et le théâtre, la télévision et Broadway. D’antagonisme en guerres d'égo, il tisse un constat amer sur les rapports humains, leur instrumentalisation et leurs dégâts sur l'âme. Marriage Story est un beau film aigre-doux porté par un Adam Driver exceptionnel et une Scarlett riche en émotions (ce plan lorsqu'elle va se coucher et qu'elle s'effondre en larmes...). Deux acteurs capables de passer du pop-corn Disney-Marvel au ciné indé. Sans être larmoyant ou stéréotypé, le film montre deux êtres perdus, au bout d'un processus, qui s'aiment encore à travers la nostalgie et les souvenirs. Marriage Story est une bonne surprise de cette fin d'année.

samedi 14 décembre 2019

The Irishman, de Martin Scorsese (CRITIQUE)


A chaque chronique, je suis obligé de balayer du bras une polémique, de me justifier presque avant de parler de l’œuvre. La faute à une société pute-à-clics, avide de polémique et de débats, d'hashtags et de buzz. Et surtout de tempêtes dans des verres d'eau. Scorsese a émis des réserves publiques sur Disney et ses films Marvel. Il a eu raison. Et Coppola encore plus en disant que c'était de la merde formatée. Ses deux gars sont responsables d'au moins la moitié des dix plus grands films de tous les temps (Le Parrain 1 et 2, Apocalypse Now, Taxi Driver et Casino). Les films Marvel sont des parcs d'attraction, oui Martin, tous formatés pour aller chercher le milliard de recettes le plus rapide possible, un déluge de CGI, des acteurs cablés et couverts de capteurs s'agitant devant des écrans verts puis refondus par ordinateur. Alors oui, Scorsese a eu le retour de flammes: son film ne sort que chez Netflix et ses acteurs sont rajeunis numériquement. Oui mais pourquoi la fine fleur du Nouvel Hollywood doit aller chez Netflix? Parce que la plateforme est la seule à lui avoir proposé un chèque en blanc pour son film, parce qu'une sortie ciné chez n'importe quel autre studio aurait été un suicide commercial... face aux films Disney. La quadrature du cercle.

The Irishman était une arlésienne pour Scorsese qui a souvent plusieurs projets en cours et qui fait dans le production hell par manque de temps, de moyen, conflits d'emploi du temps avec tel acteur ou autre. Pour The Irishman, il voulait balayer 50 ans d'histoire de la pègre et des USA (est-ce si différent?) sans avoir recours à des acteurs plus jeunes pour jouer les plus vieux. Les nombreux flash-backs du récit l'ont dissuadé d'avoir recours à ce procédé. Il a patienté que la technique progresse. Pour se donner les moyens de filmer ce qu'il avait en tête. Comme Cameron qui innove et fait avancer le cinéma à chaque projet. Les derniers Star Wars et plus récemment Captain Marvel nous ont confirmé que l'on pouvait ressusciter un acteur décédé ou rajeunir quelqu'un de façon plus que crédible, sans que ça ne ressemble trop à un jeu vidéo. Dans The Irishman, les visages de Pesci et De Niro varient selon le temps. C'est parfois très réussi, parfois un peu moins, parfois pas du tout. La gestuelle physique trahit parfois le procédé. Et l'excès se ressent sur quelques scènes. Voilà pour le purement technique. 

I heard you paint houses, livre à la base du scénario, est une compilation de récits de Frank Sheeran, récits datant des cinq dernières années de sa vie. Un récit détaillé et bouillant sur les rouages du crime organisé, sur l'ombre qui influence la Grande Histoire. Un récit remis en question comme souvent avec les autobiographies, posant la question de l'authenticité, de la véracité même. Scorsese ne juge pas ou ne débat pas autour de son personnage, il se poste en chroniqueur d'une époque et contemple ses personnages s'agitant au bout des fils. 

The Irishman est un film exceptionnel. Une narration de 3h30 (autre raison pour laquelle le film n'aurait pas pu sortir sur grand écran) hallucinante de rythme. Tenir le spectateur en haleine pendant aussi longtemps, c'est incroyable: montage parfait, flash-backs, jonglage d'une époque à une autre, alternance de voix off. En prenant au pied de la lettre le point de vue de Frank Sheeran, nettoyeur de la pègre italo-américaine, vétéran de guerre, syndicaliste routier, Scorsese trouve un fil rouge à 50 ans d'histoire des Etats-Unis, de JFK à Jimmy Hoffa, de la Deuxième Guerre Mondiale jusqu'au conflit serbe. Un fil rouge à sa propre filmographie, de ses films de Mafia jusqu'à ses thème chers, la rédemption et le pardon. The Irishman est un film somme. Un film de géants. Pacino. Pesci. De Niro. Scorsese. Les prestations sont ahurissantes. Scorsese enchaîne les plans séquences en steady. C'est brillant. Le film est beau, vif, passionnant. Sheeran est un personnage torturé entre ses différentes amitiés et ses différents liens, entre sa famille et sa hiérarchie. Un soldat droit dans ses bottes. Le devoir, l'omerta, le code d'honneur, tout se mélange. Le Hoffa de Scorsese est un écrin parfait pour Pacino qui n'est jamais aussi bon que lorsqu'il bouillonne. Pesci incarne l'antithèse de ses précédents personnages scorsesiens, tous azimutés et prêts à tout faire foirer. Il est ici le pacificateur entre toutes les branches, plus proche d'un Corleone qu'autre chose, celui qui tisse dans l'ombre et qui décide. Et qui dicte sentence. The Irishman est un film crépusculaire, un film que l'on ne reverra probablement plus jamais. J'ai fini le film avec un fort sentiment de tristesse, comme si j'avais regardé une fleur se faner irrémédiablement pendant trois heures. La fin d'un feu d'artifice, la fin d'une époque. La fin de mon cinéma, celui avec lequel j'ai grandi, celui que j'ai aimé et qui a fait de moi ce que je suis aujourd'hui. C'est à la fois triste et beau. Ce que voulait dire Scorsese avec Marvel, c'est que c'était mieux avant. Oui, c'était mieux avant. Le chemin a été beau. Je me noie dans la nostalgie. The Irishman a la classe, c'est un film d'ambition, un film pas facile mais auquel Scorsese n'a pas renoncé. 


mardi 19 novembre 2019

J'accuse, de Roman Polanski (CRITIQUE)


Déjà, loin de moi l'idée de polémiquer, de faire débat, d'hashtaguer à tout va. Loin de moi les débats faut-il séparer l'homme de l'artiste? Et si Hitler avait fait un film? Et si Guy George découvrait le vaccin contre le cancer? Et si Bertrand Cantat portait le voile 100% vegan? Les bourreaux restent des bourreaux, les coupables des coupables et les victimes des victimes. Depuis que je fais des chroniques sur internet, j'ai encensé Noir Désir et vomi Goebbels et son journal dans un article de feu Eclipshead. J'ose, j'accuse, je respire, je vis, je suis libre.

Ce qui m’intéresse ici, c'est le film. L'objet artistique. La matière. Loin des instrumentalisations et des récupérations. D'un camp comme de l'autre.

J'accuse, en 2019, est un film essentiel. Un film académique et grandiloquent, porté par des acteurs de théâtre, des acteurs qui JOUENT, sans jamais subir les artifices du cinéma contemporain, qui plus est dans un tel déluge de décor et de costumes. Un film académique, ce n'est pas un défaut. Il s'agit d'un défaut lorsque les américains s'emparent du mot et formatent une histoire pour la rendre au goût de tous et viser des prix de fin d'année. Genre historique et biopic rimant souvent avec statuettes. J'accuse a ce souffle et cette beauté des grandes productions des années 60 lorsqu'on avait l'ambition de raconter des histoires et que l'on s'en donnait les moyens. J'accuse aborde l'affaire Dreyfus sous l'angle anglo-saxon du film d'espionnage, la faute à l'excellent roman de Robert Harris, auteur de Fatherland, une de mes uchronies favorites. J'accuse prend le parti pris risqué "d'oublier" la victime pendant une large partie du film, même si un film sur les années sur l'île du Diable et la correspondance avec sa femme serait sans aucun doute d'utilité publique et cinématographique. J'accuse, c'est Jean Dujardin à son paroxysme, sans doute actuellement l'acteur français capable du plus grand écart, jonglant entre comédies navrantes et rôle dramatique habité. Les acteurs comiques ne sont jamais aussi bons que lorsqu'il tourne des drames, de Coluche au duo Timsit-Chabat du Cousin. Tout en détermination et en retenue, toujours prêt à exploser contre un système dont il est le rouage le mieux huilé, Dujardin/Picquart fouine, gratte, attaque et se défend avec verbe et fracas. La bande originale est magistrale. Martiale et romanesque, oppressante jusqu'à la dernière secondes des crédits. Alexandre Desplat. Encore lui. Sans doute le meilleur compositeur en activité. Le casting du film, toute moustache dehors, pue le génie. Grégory Gadebois est exceptionnel et mériterait un César du meilleur second rôle qu'il n'aura pas, Polanski Gate oblige. Louis Garrel est méconnaissable en Dreyfus éreinté et bouillant, premier de la classe tête à claque et victime expiatoire. Hervé Pierre et Vincent Grass en généraux renfrognés et droit dans leurs bottes. J'accuse est donc indépendamment des problèmes de justice de son auteur, un film d'une vitalité folle (Polanski a 86 ans, ahurissant), sans doute le meilleur film du franco-polonais (français si on croit en la présomption d'innocence et polonais si c'est un délinquant sexuel) depuis le Pianiste et le mieux écrit depuis Chinatown. Peut-être me lirez-vous dans quelques dizaines d'années faire la critique d'un biopic de Polanski. Un homme ambigu au destin tragique qui aura embrassé et embrasé son époque: rescapé du ghetto de Varsovie, victime du fait divers le plus sordide et violent des 60's, accusé de viols. Un grand huit du XXème siècle. Un destin hallucinant qui fascine détracteurs et cinéphiles, ménagères et politiques, lyncheurs et gestapistes.

jeudi 24 octobre 2019

Joker de Todd Phillips (CRITIQUE)


Une fois hype, buzz et hystérie collective retombés, je suis allé voir le Joker de Todd Phillips et surtout celui de Joaquin Phoenix, meilleur acteur en activité. Bien malin que ce petit numéro de Warner, essoufflé par sa vaine course effrénée pour rattraper le mastodonte étiquetée Marvel Cinématographique Univers, ce numéro qui consiste à stopper la surenchère des hommes en slip pour se recentrer vers le personnage principal. Même si les billets verts ont plu pour WonderWoman ou Aquaman, les adaptations récentes étaient assez catastrophiques. Il existe pourtant chez DC Comics des œuvres noires n'attendant qu'un bon script, des Elseworlds magnifiques (quelqu'un a les couilles de porter Red Son, non, des couilles ici ou là??). Se recentrer sur la Némésis de Batman, sur le meilleur antagoniste du monde du comics et narrer sa genèse, voilà une idée qui avait des couilles. Surtout après Jack et surtout Heath, après la noire trilogie de Nolan. Ledger dont l'interprétation, suicide oblige, est et restera désormais culte toute auréolée de sa légende noire. Confier le tout à Todd Phillips, spécialiste du rire outrancier (Borat, les Very bad Trip) ou du ricanement nerveux (A star is born), n'avait rien de rassurant. Et pourtant, le film est frappé par une sorte de grâce. Tout est sur le fil du rasoir. On pourrait tomber dans le déjà-vu, la surenchère ou la pathos mais les ruptures de ton défilent et évitent à chaque fois l'accident. Joaquin Phoenix est hallucinant et signe une performance physique démente, où se mêlent les défis physiques de Bale, les ruptures de ton de DiCaprio et l'incandescente folie de l’œil de Daniel Day-Lewis. Phillips aussi a ses intentions étalées ici ou là: évidemment le film est scorsesien et il n'y a quasiment aucun plan urbain sans taxi jaune dans le cadre. La carrière ratée de comique de Fleck et la présence un brin pataude de De Niro convoquent La Valse des Pantins. La Gotham aux bords des émeutes renvoie tant aux Gangs of New-York qu'à la trilogie de Nolan. J'ai aussi pensé à Shyamalan pour cette ville opaque et organique dans laquelle évoluent des héros et vilains en devenir comme dans Incassable et ses fausses suites. Phoenix, que tout le monde voit filer vers l'Oscar après son prix vénitien, est un Arthur Fleck extraordinaire avant de s'accomplir en Joker psychopathe et mélomane, efféminé et leader anarchiste. Le meilleur Joker que l'on ait vu. Nicholson ou Ledger n'avaient de toute façon aucune chance: le rôle est ici bien plus étoffé, bien plus profond, jouant sur de multiples registres: la comédie, la tragédie, le physique, l'introspection. Joker est film qui secoue la cage, un film qui agite, un film qui rassemble les gens en salle et qui fait débat relançant l’éternel débat de la violence à l'écran, de la violence glorifiée du vigilante. Joker méprise les riches et les bien-pensants, les Thomas Wayne, les distributeurs de brioches pour le peuple. Joker est un malade, un fou, un chien errant battu par le système, un chien qui ronge sa laisse et qui vise désormais le mollet du maître. Joker c'est Vol au-dessus d'un nid de coucous par Cassavetes. C'est un film que vous ne méritez pas et que vous vous prenez en pleine gueule. 


lundi 14 octobre 2019

Le château des animaux de Xavier Dorison et Felix Delep


Blacksad me manque. Ses caricatures truculentes des défauts des hommes à travers le prisme de la faune la plus variée. J'aime cette façon de grossir le trait, de verser dans l'esperpento espagnol ou dans les racines de la fable classique. C'est donc avec un grand plaisir que j'ai découvert ce nouveau Dorison, plume la plus aiguisée de la bande dessinée francophone avec Nury. Dans cette univers dystopique, que l'on ne peut pas vraiment situer dans le temps, une basse-cour se retrouve dépourvue de maîtres. Les hommes ont tout bonnement disparu. Je ne crois pas si bien dire en parlant de basse-cour puisque la ferme va se réorganiser en véritable dictature avec à sa tête Silvio le bien nommé, taureau tout Red Bull dehors, grand mâle dominant. La ferme est sans dessus dessous et lapins, poules et chèvres de trimer comme des esclaves au service des aboyeurs et du taureau. Profession de foi faite à Orwell dès la préface, Dorison écrit avant tout une œuvre toute latine avec son lapin tapineur, sa chatte mère-courage et son rat savant. On navigue entre fabliau et Canard Enchaîné entre comédie théâtrale et parodie. Et puis on bascule dans l'horreur parce que la caricature ne peut qu'atténuer les horreurs d'une dictature. On est dans De Cape et de Crocs et la page suivante, c'est V pour Vendetta. Les ruptures de ton sont osées et lorsque la révolte gronde, on atteint des sommets. Trois tomes sont dores et déjà annoncés. 

dimanche 13 octobre 2019

Aleister & Adolf de Michael Avon Oeming et Douglas Rushkoff


Si le grand Alan Moore vous manque, optez pour l'absinthe dans sa version générique avec ce très bel Aleister & Adolf. Acceptez l'initiation et plongez: les métaphores autour du jeu ont toujours caractérisé les conflits humains. Les dés sont jetés. L'effet domino. Ou toute référence sur un échiquier. Des cartes, des artefacts, des symboles. Avon Oeming aborde le cœur du XXème siècle et le second conflit mondial sous cet angle. Aleister Crowley, le grand mage occulte pour les uns, le charlatan avide de partouzes pour les autres, est recruté par les services secrets pour lutter contre Hitler et l'idéologie nazie, toute puissante derrière l'image de la svastika. La guerre ne se gagne pas que sur les champs de bataille. Elle se gagne dans les bureaux, avec de l'information et de la désinformation, de la propagande et de la manipulation. Et avec des symboles. En convoquant Patton, Ian Fleming ou Crowley, Avon Oeming tisse une toile géopolitique et occulte vaste, faisant s’enchevêtrer rituels païens et conspirations de barbouzes. Les logos et les images stigmatisant l'Homme des camps de concentration jusqu'à la société de consommation. Derrière le symbole, il reste l'organique, l'humain, toujours au centre, loin des divinités, lorsqu'il accepte de croire en sa propre magie et qu'il renonce à la peur de la mort. La lance du Christ n'est plus qu'un phallus. Et le V de la victoire, un symbole chargé par le sexe féminin. Aleister & Adolf est un roman graphique d'une beauté noire si l'on accepte la main tendue et le voyage initiatique. Sublime et subliminal.

Dracula par Mike Mignola


Delcourt a eu la riche idée de republier un titre tombé en rupture depuis belle lurette et à la merci des vampires d'Amazon ou d'Ebay, toujours assoiffés de spéculation. Le Dracula de Francis Ford Coppola et sa version baroque et décadente sous les traits noirs du maître Mignola. Un chef d’œuvre dans un chef d’œuvre, un diamant dans un écrin encore plus brillant. Stoker adapté par Coppola adapté par Mignola, c'est noir et rouge, une noirceur avec des éclats de furie pour dépeindre ce qui est et restera avant tout une histoire d'amour damné. Des Carpates à Londres, tout le récit n'est que prétexte à subjuguer sur papier l'immense travail de direction artistique du métrage de Coppola, dont le rôle titre et culte incombait à un Gary Oldman au sommet de sa carrière. Mignola, déjà grand défricheur des contes et légendes noires dans les aventures d'Hellboy, trouve ici un matériel on ne peut plus classique mais arrive tout de même à y insuffler une modernité décadente avec ses aplats de noir si particulier et ses contrastes si saisissants. De jais et de sang, le Nosferatu apparait et disparait, séduit et terrorise. D'une beauté noire et brute, Dracula est un immense comic-book. Un titre comme il y en a peu.

jeudi 10 octobre 2019

Tom Savini: Private Tour


Sid Haig Tribute


Rambo: Last Blood (CRITIQUE)


Oui je sais, j'ai été faible. Au milieu des Ad Astra, Joker et It2, il a fallu que j'aille voir le dernier Rambo. Un plaisir coupable. La nostalgie des films 80's, quand le scénario importait peu et qu'on misait tout sur le fun et la gicle. Du pop corn. Le problème du pop corn, c'est que ça colle parfois dans la gorge. Et que ça irrite. Comme Rambo: Last Blood. Sly fait du réchauffé depuis une dizaine d'années, soit en convoquant le plus de potes possibles (Expendables I, II, III) soit en botoxant ses deux grandes sagas, Rocky et Rambo, voir en tentant de les rajeunir (Creed). Il promet à chaque fois qu'il s'agit d'un dernier tour de piste pour rendre hommage à des personnages qu'il affectionne tout particulièrement. On parle maintenant d'une suite à Tango&Cash et d'une série tv sur Cobra. Bref, du neuf avec du vieux, des suites à n'en plus finir. Esprit 80's toujours donc. Si le précédent opus nous embarquait dans la violente jungle birmane pour un retour bien gore et sans pitié, celui-ci peine à démarrer. Stallone la joue western crépusculaire mais on est assez loin du Impitoyable de Clint. On verse dans la télé novelas de bas étage pendant 45 minutes avant que le film de Rambo qu'on était venu voir ne débute vraiment. Sly cabotine, on multiplie les hommages à la saga en passant étape par étape l'artillerie lourde du vétéran de Vietnam: couteau de boucher, arc, bataille dans des grottes, etc... La virée au Mexique et la baston finale sauvent le film sinon on était proche du DTV.

mardi 1 octobre 2019

Hellfest 2020

La bagarre a une date et une heure: la mise en vente des billets pour la XVème édition du Hellfest aura lieu le mercredi 9 octobre à partir de 12H. L'année dernière, le sold out avait été atteint en deux heures, rendant mécontents bon nombre d'habitués (problème technique, site à la ramasse, etc...).

... autre info, Live Nation annule le Download 2020 à Paris pour la seconde année consécutive. Raison invoquée: travaux sur le RER.

Liam Gallagher LIVE


Cult Of Luna - A Dawn To Fear


Korn - You'll Never Find Me


Opeth - Heart In hand


vendredi 6 septembre 2019

Les Indes Fourbes, d'Ayroles et Guarnido


Faire se rencontrer les plumes de De Capes et de Crocs ou Garulfo et Blacksad était une évidence, un passage obligé tant les univers historiques ou artistiques semblaient proches à tout bon gourmet de bandes dessinées depuis 20 ans. Leur terrain d'entente? Le Siècle d'or espagnol, le roman picaresque et Quevedo. En donnant une suite au Buscón, roman initiatique faisant office de pierre angulaire du genre, Ayroles et Guarnido trouvent le terreau fertile aux aventures rocambolesques dont le premier est friand et le second l'illustre avec des visages théâtraux hyper expressifs, toujours exagérés et clichés comme une fable d'antan, comme un conte peuplé de héros et de minables, de nobles sots et de vagabonds au grand cœur. On obtient une épopée, classique instantané, blockbuster de la rentrée BD pour Delcourt, ça part dans tous les sens avec l'humour décapant et raffiné d'Ayroles, les références pleuvent. C'est drôle, pathétique, cruel, vivifiant. Guarnido étale son talent sur des planches magnifiques, des aquarelles archi-documentés, s'illustrant toujours autant dans le registre des pages ocres et sombres ou dans les clairs-obscurs. Les Indes Fourbes est une œuvre formidable qui rend la rentrée un peu moins amère.


dimanche 25 août 2019

Mon Motocultor 2019


L'édition 2019 restera dans les annales et dans nos anus: 4 jours, de la pluie, du froid, de la boue, une journée celtique avec un Merlin narrateur interminable et Henri Dès. On peut dire être finisher du Motocultor 2019 avec la même fierté que n'importe quel trail ou marathon. 4 jours et que retenir: que le métalleux, même s'il est souvent taxé de fermeture d'esprit, a su prendre son pied devant le concert joyeusement gogol d'Henri Death et a aussi chanté Africa de Toto pour chauffer les gars de Carpenter Brut dans les coulisses. Le Motocultor, des champs fauchés, des tentes et des barrières. Un festoche roots où tout part régulièrement en couilles: chiottes, bouffe, parking... mais qui a un capital sympathie immense. Un festoche pour les vrais dirait-on même si la journée celte et Alan Stivell et la présence d'Henri a largement hellfestisé le week-end avec moult famille, gosses ou curieux. Quatre jours de concerts et autant de nuits à dormir dans les bagnoles. 

Corvux Corvax, Excalibur, Eluveitie, Mars Red Sky, Oak's Crown, Au-dessus, Iron Reagan, Death Angel, Kadavar, Hypocrisy, Gaahl's Wyrd, NOFX, Watain, Turbonegro, Shadyon, Cancer Bats, Gronibard, Fange, Krishun, Anaal Nathrakh, Solstafir, Dopethrone, Eyehategod, Marduk, At The Gates, Third Meridian, Get The Shot, Pensées Nocturnes, The Vintage Caravan, Ufomammut, Ihsahn, Avatar, Primordial, Carpenter Brut et pour finir Bloodbath. 

Du stoner, du black, du death pour la plupart. Death Angel très en forme pour du thrash 80's brut de pomme, Hypocrisy monstrueux, NOFX terriblement bavard et sympathique, Turbonegro endiablé, Gronibard complètement débile et génial, Anaal Nathrakh entre deux averses qui retourne la Supo Stage, Solstafir moins inspiré qu'au Hellfest mais planant, Eyehategod énervé, Marduk encore plus énervé, temps de merde, enfer et damnation, Get the shot terrible réveil pour le dimanche matin, Pensées Nocturnes qui valide le bon goût des Acteurs de l'Ombre avec son cirque satanique, Ufommanut fat de chez fat, Ihsahn carré et surdoué, Avatar grosse découverte live du week-end devant un public d'initiés conquis d'avance, Primordial brutal, Carpenter Brut immense sans doute le meilleur du fest' et Bloodbath en guise de finish him devant des rangs dégarnis mais connaisseurs. 

Et sur le chemin du retour, pèlerinage par Clisson pour visiter le site du Hellfest vide à la mi-août. Une drôle d'expérience au milieu des joggers et des promeneurs de chien. Je suis pas douché depuis quatre jours, comme jetlagué et je fredonne "I'm running free" à chaque jogger, ça en fait sourire certains. J'ai l'impression d'errer dans le Père Lachaise de la rouille et du gravier. J'arrive finalement chez moi rincé, près à enchaîner sur des travaux domestiques. Mais avant, je coche "participe" pour le Motocultor 2020 sur Facebook...

jeudi 8 août 2019

Tool - Fear Inocolum


Premier extrait studio, après les révélations live de Descending et Invincible, Fear Inocolum donne son nom à l'album à venir le 30 août. 10 minutes de crescendo multi-rythme, du Tool mais pas que. Incroyable et essentiel. L'album est en précommande ici ou là dans une version collector avoisinant les 80 euros avec écran HD de 10 pouces rechargeable par USB, contenu vidéo extra, 10 minutes de bonus et livret de 36 pages, le tout chapeauté par le M.Visuel du groupe, Adam Jones himself.

lundi 1 juillet 2019

Rammstein - Paris La Défense Arena - 29 juin 2019 (REVIEW)


Après les neuf dates de Mylène Farmer et les 40 ans de Kassav, c'était au tour de Rammstein de venir mettre le feu dans la flambant neuve salle de La Défense, la bien nommée Arena. Deux heures de tubes et la découverte du nouvel album en live. Un nouvel album qui contient déjà des hymnes imparables à l'efficacité redoutable en live (Auslander, Radio, Deutschland) et des beautés noires (Puppe, Diamant). Quel concert: flammes, feu d'artifice, break piano+voix, tour colossale et son ascenseur, vidéo rétro. Toujours tout en démesure mais en sachant se renouveler, Rammstein a été kolossal devant 40 000 personnes en extase. Du Hast d'anthologie. Sonne brûlant, comme si on avait besoin de ça en cette fin de juin caniculaire. Mais pour Rammstein, si tu avances quand je canicule, comment veux-tu... ? Pussy et son canon-bite qui arrose la foule de mousse pour finir en beauté. Avec un vrai show, unique sur la scène métal et sans doute dans n'importe quel autre genre musical, Rammstein a régalé. Ils seront à Lyon le 9 juillet 2020. Les revoir vite. Pour que la flamme ne s'éteigne jamais. Merci à Denis pour l'opportunité (et le trajet :) ).

Setlist

  1. Was ich liebe
  2. Links 2-3-4
  3. Tattoo
  4. Sehnsucht
  5. Zeig dich
  6. Mein Herz brennt
  7. Puppe
  8. Heirate mich
  9. Diamant
  10. Deutschland (RMX by Richard Z. Kruspe)
  11. Deutschland
  12. Radio
  13. Mein Teil
  14. Du hast
  15. Sonne
  16. Ohne dich
  17. Engel (Scala & Kolacny cover with Duo Jatekok)
  18. Ausländer
  19. Du riechst so gut
  20. Pussy
  21. Rammstein
  22. Ich will

jeudi 27 juin 2019

Hellfest 2019


Quelle édition encore une fois. Et c'est calfeutré dans le noir, la raie humide et les bonbons qui collent au papier, que je vais vous narrer ces quatre jours épiques. 

Jeudi, Knotfest: et ça démarre dès le jeudi cette année grâce à la venue one shot du Knotfest, qui a permis à quelques têtes d'affiche manquantes de rejoindre l'édition 2019 du festoche de Clisson. Point de frustration de rater Behemoth, Roz Bombie ou Slipknot, présents à droite ou à gauche chez les voisins. Ils sont bien là, bénéficiant des infrastructures des main stages dans leur nouvelle version: écran encore plus géant que l'année dernière, sans effet échiquier. Un confort exceptionnel même si l'on décide de se poser le cul dans l'herbe à plusieurs centaines de mètres de la bagarre. Le Hellfest a encore fait fort niveau logistique, espace bouffe rénové en dur, vallée du Muscadet rendu moins poussiéreuse avec allées assainies et nouvelle déco. On adore cet investissement sur le long terme qui rend l'enfer plus doux. Mais revenons au jeudi matin. 206 blindée avec les affaires de camping et les copains, on arrive à Clisson, installation et cosplay du #6 enfilé, direction le festoche: pas de ralentissement du à la triple gestion Knotfest-Hellfest-Cashless, on rentre avec une vitesse déconcertante pour un évènement de cette taille. Petite promenade aux abords de l’Extrême Market, il y fait toujours aussi chaud, je sais pas si une version à ciel ouvert ne serait pas mieux pour les vendeurs et les acheteurs. ET là, Marie me dit "y'a Nergal derrière toi". N'étant pas en train de jouer au Facteur n'est pas passé avec des blackeux, je me dis que c'est le voyage, le jetlag avec la région parisienne qui lui fait voir des choses improbables. Et bien, non, Nergal me frôle et se rend au stand ESP pour une séance de dédicaces avec Orion et Seth. L'info n'a pas eu le temps de circuler, il n'y a quasiment personne dans la fil d'entente. Quant on peut rencontrer un artiste que l'on adore, pourquoi s'en priver? Il blague sur ma tenue de Slipknot et me pince la joue en demandant si c'est un masque. Je le remercie pour la date du Bataclan. Il comprend l'importance de cette date et me remercie, touché. Il me dit qu'ils reviendront à Paris à l'hiver 2020. Et voilà, j'ai encore pas entendu un seul riff que je suis déjà bien en joie. On franchit les portes de la cathédrale la plus connue de la scène métal et le Knotfest donc: groupes américains en M1, européens en M2. Ministry appétissant avec désormais Paul D'Amour à la basse. Behemoth incendiaire, set court, 45 minutes mais tout est parfait, c'est toujours dommage de les voir en plein jour mais bon. Powerwolf a son public et une bonne énergie en live. Amon Amarth idem. Du groupe de death jusqu'à la machine à tubes powermétal, que de chemin parcouru pour Johan & Co. Rob Zombie, public mou du genou au début mais réveillé par l'énergie débordante de Rob, toujours en forme, physiquement (grand écart jumpé comme à chaque fois) et vocalement (coucou Manson, on peut faire du shock rock ET assurer vocalement). Dragula. bande annonce des 3 From Hell. Sheri t'es bonne. S'en suit le gros show de Slipknot qui attaque frontalement les troupes avec People=Shit et enchaîne les tubes jusqu'à la fin. Brutal et jouissif. La troupe de Des Moines est restée sur les mêmes standings depuis son irruption brutale en 1999. Malgré les départs de membres fondateurs et les tragédies, Slipknot est Slipknot. Droit au but. Sabaton conclut la soirée. ça commence à piquer: il est tard, la journée a commencé de bonne heure mais je reste car le groupe donne et le public lui rend au centuple, ça chante, les zicos se marrent, un bon moment. Au lit, demain les choses sérieuses commencent.

Comme l'année dernière, on a de la chance. Pas de pluie, pas trop chaud. Du coup, on peut dormir raisonnablement bien. Valley of the sun en fin de matinée pour se réveiller dans cette charmante et fraîche Valley avec un petit stoner des familles. Radio Moscow enchaîne avec un site déjà bien garni. Je file me faire Sonata Arctica en mainstage, il fait chaud. Il est 14h. Puis la journée des groupes français nous amène Lofofora sur la M2. Reuno est en forme et ça découpe à tout va. Le fond et la forme. Je vais en warzone me poser le cul dans l'herbe et écouter le punk de No Fun  At All, j'aime bien ces petits morceaux sautillants. Retour dans la Valley pour My Sleeping Karma, on voyage avec les riffs aux influences orientales, c'est beau, hypnotique, une pause. Diamond Head, j'y vais pour me faire un set à l'ancienne et entendre les hymnes repris par Metallica: Am I Evil? ou It's electric. Je les ai mais je suis déçu, la faute à un frontman trop moderne au milieu des anciens. All them witches décape la Valley avec un set brutal. Puis Ultra Vomit, débile à souhait avec un public conquis d'avance. Mais pas que: pour parodier correctement, il faut maîtriser. Foetus & co ne sont pas que des clowns lançant chenille et wall of shit, ce sont aussi des putains de musiciens capable de naviguer d'un style à l'autre, prouesse vocale à la clé. Jésus, Calogero et le chanteur de Tagada sont de la partie. C'est le joyeux bordel. Un des meilleurs concerts du week-end. Dropkick Murphys. Voir du punk celtique à Clisson, c'est quelque chose. Les drapeaux bretons sont de sortie, on sautille en se tenant par les épaules. Les rouquins sur scène ont chaud mais ne lésinent pas sur l'énergie dépensée. Mass Hysteria arrive. Gros concert avec débauche d'énergie et d'effets: écran géant, pyrotechnie. Le groupe n'a sans doute jamais eu autant de moyen pour un concert. On fête les 25 ans du groupe, le Hellfest a mis les petits plats dans les grands. Mouss est en forme même s'il est rouge écarlate et essoufflé au bout de deux titres désormais. Manowar ensuite. Show incroyable avec du slip en veux-tu en voilà. Un dragon dressé descend du ciel et prend en levrette une guerrière qui n'attendait que ça. Le public chante, les chiens forniquent avec les chats, c'est l'apocalypse. Je prends un fan de Tokyo Hotel dans mes bras et on se roule une pelle, portés par l'instant. Que pouvait faire Carcass après pareille prestation? Un show death de dingue peut-être? Et bien oui, cheveux au vent (hé y'avait même pas de vent, hé l'autre, on l'a vu ton ventilo!!), Jeff beugle et c'est bon. On conclut sur Gojira, j'ai mal partout, j'ai froid, je souffre pendant le set. Gojira, c'est devenu lourd et bénéficie des mêmes conditions idéales que Mass Hysteria. Gros concert mais ma fatigue aura raison des dernières 20 minutes.

Second jour du Hellfest, 3ème du week-end. Courbatures dès le réveil. La douche froide du matin réveille, décrasse mais ne sauve pas tout. J'avais pointé deux trois concerts de bonne heure mais bon, hein, faut pas se voiler la fesse, j'ai commencé qu'à 12h par Fiend, je crois, plus sûr. Passage par la Temple pour un Wolfheart bien roots. Premier passage par la Temple en fait, je suis pas beaucoup botté par la prog black-dark de cette année, trop large vintage (Cradle) ou electro (Combichrist) à mon goût. J'enchaîne un trio Will Haven, Mantar, Sumac de toute beauté, du post-rock de haute volée. Un jour Isis reviendra, ô oui un jour. Retour à la fournaise. Eagles Of Death Metal. Il fait chaud mais ça tape aussi fort sur scène que dans la fosse. Gros capital sympathie. Reprise de Bowie. Un show fort bon. Myrkur a annulé, heureux évènement imminent. On passe directement à Def Leppard. je me fais abordé par des bretons qui me paient un coup, belle rencontre. Je passerai avec eux le set de ZZ Top à discuter. Boogie toujours aussi efficace en fond. Kiss débute. Déluge d'effets, monde incroyable sur les mainstages. Je reste en retrait pour pouvoir filer vers Bloodbath. Je n'avais pas vu autant de monde depuis Iron Maiden ou Rammstein. Je fais 45 minutes avant de rejoindre l'Altar pour LE show du samedi. Il n'y a quasiment personne. la concurrence est rude entre l'horaire, Kiss et Cult Of Luna sous la Valley. Nick Holmes est en forme. Le groupe aussi, ça envoie et les titres du nouvel album (Bloodicide en tête) sont très efficaces au milieu des classiques (Cancer Of The Soul). La tente se remplit tout de même. Premiers rangs assez secoués et finish sur l'inévitable Eaten. Je reprendrai un bain de sang en août au moment du Motocultor. Je ressors pours écouter la fin du set de Kiss et son final délirant: feu d'artifice, confettis, artiste grimpé à dix mètres du sol, Rock'n'roll all nite. Pas le courage d'enchaîner derrière, je renonce au Bal des enragés, je regarde une chanson des Sisters Of Mercy, mais ça m'emmerde. Je file.

 Manuwino, quel talent!!! ;) (bon du coup, je suis derrière Philou)

Dernier jour. J'ai mal jusque dans les ongles. Je contemple mon running order. J'ai à peu près tout entouré, grosse journée en perspective. Je rate les débilos d'Insanity Alert, vu à Rennes en automne dernier. Idem pour Municipal Waste. Je commence vautré dans l'herbe dans le fond de la Valley, réveillé doucement par la voix de Messa puis M1 et Death Angel, je suis beaucoup plus réveillé là, ça envoie old school, journée thrash. Yob à la Valley pour du stoner bien gras... avec Danny Carey de Tool sur le côté de la scène. Je retrouve de vieux acolytes. On est bien. Lucifer's Child sous la Temple, simple et efficace. Clutch en mainstage, grosse chaleur, le dimanche aura été plus chaud que les jours précédents, il fait lourd et le set est monstrueux. Dans la Valley, on aurait pris une branlée. Je vais la prendre mais plus tard. Testament, c'est l'anniversaire de Chuck. Ses potes lui offrent un sauna. La foule est arrosée à coup de lance à incendie, ça fait du bien. Je sacrifie Stone Temple Pilots en faisant une sieste dans les fonds des mainstages pour me réserver pour mes têtes d'affiche de la soirée. Je me réveille pendant Anthrax qui a l'air en forme mais j'émerge avec peine. Un burger rapide avant d'aller me placer dans les premiers rangs pour LE moment du week-end et sans doute un des meilleurs concerts vécus au Hellfest. Phil Anselmo & The Illegals. Notre Philou nationale on est tenté de dire, tant sa présence à Clisson est inévitable. Le frontman par excellence, la tête pensante d'une demi douzaine de groupes. Revenu de ses excès, désormais sobre et les idées claires. Phil qui vient saluer la foule dès la mise en place technique. Dans sa Valley. Un set qui commence par une envolée vocale posée et sobre, Phil montre qu'il a plusieurs cordes vocales à son arc, capable de passer de l'aigu au growl death, de "chanter" du blues avec Down et de s'essayer à la New Wave avec un projet à venir. Phil est toujours aussi bavard entre les morceaux et toujours aussi content d'être là. Quelques morceaux et la rengaine se fait plus forte. "Pantera, Pantera!!!" crie la Valley. "I heard that" taquine Philou. Il se retourne vers son groupe et ajuste le tir. Le public en a trop envie. Les Illegals ont beau avoir plusieurs albums désormais, c'est avec ce line-up là que la filiation avec Pantera est la plus évidente, il faut dire que le guitariste singe Dimebag et porte le fameux short aux feuilles de cannabis. Difficile d'esquiver.  Mouth for war, Becoming, Walk, Fucking Hostile... C'est la grosse branlée. Les titres défilent, je saute partout, j'en ai les larmes aux yeux de plaisir nostalgique. Un petit titre des Illegals qui tient à cœur de Philip Anselmo en passant. On se régale. Ce concert, un an jour pour jour après la mort de Vinnie Paul est une bénédiction. Phil reçoit une banderole avec les frangins Abbott. La Valley se vide de fans dégoulinant de sueur se croisant avec des regards complices. La complicité d'avoir assisté au plus grand concert de ce week-end. Ni plus ni moins. Je redescends doucement le long d'un set hyper maîtrisé d'Emperor, fleuron black et toujours parfait en live. Direction les mainstages pour l'apothéose finale. Slash d'abord, gentillet et avec peu de reprises des Guns contrairement au passage précédent. Je me faufile ensuite dans les premiers rangs pour me placer pour Tool. L'espace vitale se raréfie et je sacrifie un peu mon dernier live de Slayer. Groupe en forme. Araya ému qui dit un dernier mot à ses fans français. Des mecs droits dans leurs bottes depuis le départ, aucun consensus, pas de quartier. Merci Slayer. Et Tool. 1h30 de bonheur intense après 13 ans d'attente. Groupe en forme, scénographie dantesque portée par les écrans xxl du Hellfest. Aenema pour commencer, des morceaux efficaces privilégiés aux pièces plus longues (Jambi, The Pot, Stinkfist, 46&2). Seuls les deux nouveaux titres, Descending et Invincible, ont la patte prog et dépassent les dix minutes. Du coup, exit les Third eye ou Pushit. Le show est parfait, le groupe en forme, Justin communicatif, Adam en retrait, Danny concentré. Maynard est taquin puis mouline ses bras à son habitude et travaille ses ischios dans la position du cavalier de fer. Tool en live c'est l'extase. Se prendre ce spectacle à quelques mètres près dans la gueule, c'est une expérience.



Et voilà, 46 concerts en quatre jours. Encore une fois, merci le Hellfest, merci la communauté métal, merci les amis pour ce week-end. A l'année prochaine, 19-20-21 juin 2020.



jeudi 9 mai 2019

jeudi 7 février 2019

Reznyck - French Erections (ECOUTE)


Simetierre, de Kevin Kolsch et Dennis Widmye (TRAILER)



Us, de Jordan Peele (TRAILER)



Glass de M. Night Shyamalan (CRITIQUE)


Il n'y a rien de meilleur que la jubilation par l’œil. Le Septième Art, et par extension la télé - lorsqu'elle est bien faite - a cette faculté de réjouir par l'image lorsque l'on accepte de plonger et de se faire berner par les mots et les effets. A la fin des années 90, Usual Suspects fait un carton et sa narration subtile au suspens incroyable provoque une nouvelle mode chez les scénaristes. Tout le script tend vers une incroyable révélation finale. La vague des Scream, Fight Club et Sixième Sens. De l’esbroufe et du virtuose. M. Night Shyamalan en fait sa marque de fabrique, il devient le réalisateur ''de fin" au gré d'une poignée de métrages tous aussi surprenants les uns que les autres: le déjà cité Sixième Sens, Le village, Signes, La jeune fille de l'eau... et Incassable. Il se perd ensuite dans une décennie de mauvais choix et devient un faiseur d'Hollywood. 

Revenons à Incassable. A sa sortie, il a le gros défaut de venir après Sixième Sens et donc, d'y être comparé sous tous les angles. Même acteur principal, même ambiance brumeuse. Shyamalan fait le choix de réduire la voilure, à la façon du Tarantino de Jackie Brown, renonçant à la surenchère pour se centrer sur son récit. Grand bien lui fasse: Incassable est de toute beauté dans son explication mythologique des comics books et leurs degrés de lecture transposés au monde réel. Samuel L. Jackson trouve dans Elijah, l'homme aux os de verre, un rôle bouleversant, un méchant complexe et complet. Après les années d'errance artistique, Shyamalan signe un retour fracassant avec Split, thriller torturé estampillé Blumhouse, prod avec le vent en poupe (Get Out, Whiplash et toute une série de films d'horreur à succès). Split, c'est James McAvoy dans une performance hallucinante, celle d'incarner un être aux personnalités multiples, tantôt fragile, tantôt violent, tantôt manipulateur, homme ou femme. Du cinéma d'horreur psychologique, brut et contemporain, viscéral, filmé avec moins de retenue qu'Incassable, les studios ayant rendu Shyamalan plus démonstratif avec le temps. Et là, LA surprise du chef. Scène post-générique façon Marvel. Et le personnage de David Dunn, le personnage de Bruce Willis dans Incassable de réapparaitre. Coup de génie: Incassable et Split se situent dans le même univers. Une fausse suite quasiment 20 ans après. Forcément, on en redemande et un troisième chapitre est plus que nécessaire, une évidence. 

Ce troisième chapitre, c'est donc Glass, qui voit s’affronter, physiquement et psychologiquement, les trois personnages entre eux, mais aussi contre une institution qui essaye de les analyser, de les catégoriser, de leur faire comprendre qu'ils ne sont pas des super-héros. Shyamalan reprend son analyse du mythe des super-pouvoirs, la mise en abyme se poursuit avec brio. Pris au piège, les personnages s'interrogent, doutent, cherchent à comprendre, Shyamalan les enferme pour mieux les observer, les faire muter. Glass est un chef d’œuvre. Son écriture, son rythme, son analyse des comic-books, l'interprétation, la musique, la photo. Tout est intelligent, maitrisé. La Jupiter de Shyamalan, orchestrée depuis vingt ans. Il va être difficile d'aller voir un Marvel derrière ça, de repartir sur du pop corn. Shyamalan convoque Alan Moore et Chris Claremont, égratigne le Nouvel Hollywood celui des suites et des franchises, tout en faisant lui même une suite et en donnant naissance à un potentiel univers étendu. Un jeu de miroir brisé.

Sleep au Hellfest


Il manquait deux groupes à la programmation de la Valley pour la prochaine édition du Hellfest. Et si le dimanche s'annonce épique en tête d'affiche (Tool, Slayer, Emperor, Phil Anselmo...), les choses viennent de se compliquer encore un peu plus puisque Sleep et High On Fire seront à Clisson en juin.

jeudi 24 janvier 2019

Behemoth (+ Wolves in The Throne Room + At The Gates), 22 janvier 2019, Le Bataclan, Paris


Je n'ai aucun souci avec la foule, la promiscuité ou l'enfermement mais il y a des évènements qui ravivent ma spasmophilie au fer rouge. Le Bataclan. Là où des jumeaux de pop culture et d'esprit rock ont été abattus comme des chiens. Dur d'y aller. Des semaines que j'y pense. Depuis l'achat du billet en fait. A l'aveugle tant j'aime Behemoth, sans me soucier de la salle ou de la date. Des tours et des détours, je flâne, passe devant la salle, prétexte de la fil d'attente et d'une dent creuse et je m'échappe pour aller respirer. Et puis je me lance, réconforté par l'idée d'être au milieu de mes frères en noir, barbus, chevelus et tatoués. 

Le temps d'une fouille légère (j'entends à ma droite un "vous avez quoi dans le sac? Rien, ok allez-y"... ) et j'entre dans l'antre. Déjà plongé dans le noir, le set de Wolves... a démarré à peine les portes ouvertes. Set court, puissant et brutal pour un fleuron du post-black que je voulais voir depuis un bail. Puis At The Gates, vétérans du death suédois, d'embraser le Bataclan, très réceptif aux hymnes dispensés par le quatuor. Tour de chauffe parfait. 

Un voile noir masque la scène. Je suis rejoint par mon alter egoth pour la tête d'affiche. Behemoth. Pour la troisième fois en un an et demi. La première fois depuis le nouvel album, l'excellent I Loved You At Your Darkest. L'intro de Solve retentit. Et Nergal et sa bande de blaster tout ce qui bouge, alternant les nouveaux singles (God=Dog, Wolves Ov Siberia, Ecclesia Diabolica Catholica, Bartzabel) et les hymnes incontournables (Blow Your Trompet Gabriel, Chant For Eschaton 2000, Ora Pro Nubis Lucifer...). Behemoth est devenu une machine de guerre sur scène. Chant parfait, scénographie dark. Les deux géants, au propre comme au figuré, de la section rythmique, Seth et Inferno sont des bêtes et martèlent à tour de bras. Il n'y a qu'à des shows d'Emperor que je ressens autant de plaisir noir, c'est dire. Nergal y va de sa commémoration. Pour les artistes, un passage au Bataclan est devenu un pèlerinage mais aussi un défi à relever, la date qu'il faut honorer le mieux possible. A plus forte raison lorsque l'on est le fleuron d'une scène satanique anti religieux et fanatiques. Nergal d'hurler "Vive la Liberté!!!" et 1500 de lui répondre, avec des larmes dans les yeux et la chair de poule. Un seigneur de guerre du genre a comme gimmick de demander à ses fans "Is it good to be alive?" pendant ses concerts. Oui, c'était bon.