mardi 17 octobre 2017

Détroit (Critique)


Depuis trois films, Kathryn Bigelow appuie là où ça fait mal. Démineurs et Zéro Dark Thirty nous montraient la guerre en Irak et la traque de Ben Laden, sans pathos, sans patriotisme à la con. En filmant au cœur des hommes et des femmes, en subjectif pour que le spectateur puisse ressentir les vibrations, être étourdi par les déflagrations, avoir l'oreille interne saturée et la nausée montante devant la torture. Une réalisatrice avec plus de couilles que Spike Lee et Oliver Stone n'en auront jamais. En signant Détroit, un film sur les émeutes raciales de 1967 et les faits survenus au motel L'Alger, Bigelow signe le film essentiel, celui que mérite l'administration Trump, si enclin à mettre suprémacistes blancs et noirs du ghetto dans le même papier, si prompt à parler de terrorisme alors que la NRA continue de mettre son pays sous assistance respiratoire. Détroit est un film choc, un documentaire dramatique sur le crescendo causé par la haine, le désespoir et la colère. En 1967, l'armée est déployée sur son propre sol, un couvre-feu instauré. Les magasins incendiés, les pompiers sont pris à partie par les manifestants. Un pistolet factice attire la lumière sur le motel L'Alger. La police, l'armée et la garde nationale interviennent. S'en suivra une bavure policière. Un acte raciste. Bigelow filme sans parti pris, sans fioritures, sans jugement. Elle laisse respirer son spectateur avec de la musique soul. Avant de repartir de plus belle, caméra à l'épaule. Détroit est un film puissant, avec des acteurs absorbés par leur rôle (John Boyega impressionnant). A voir absolument.

Kingsman II: Le Cercle d'Or (Critique)

Un film a son succès, les fans sont ravis et en redemandent. Ils crient "une suite, une suite!!!" Et Hollywood de les contenter. Avec le cahier des charges requis: plus haut, plus fort, plus vite, plus, plus, plus. Et parfois trop, c'est le risque. Kingsman était une petite surprise: pop corn délirant et barré, mêlant esthétique cartoon, parodie bondesque et découpages comics. On jubilait devant tant d'action, de bêtise, de cabotinage (Sam J) mais l'ensemble était frais sans être novateur. Un bon gros délire du samedi soir. Le second opus reprend les choses au même endroit: même acteur, même ingrédients. Intro à la James. Ennemi et ami revenus d'entre les morts. On commence à fond puis on accélère. A trop vouloir en faire, on frôle le réchauffé (Moore en super méchante super naze), la parodie (Jeff Bridges fait son Jeff) ou la nullité (l'intrigue amoureuse de l'espion qui ne veut pas niquer par fidélité... au secours). Suite inégale donc. Kingsman avait de la classe. Kingsman II à trop vouloir devenir gros, à l'image de son cousin US, Statesman frôle l'indigestion. Reste quelques bons délires, des bastons clipées dont Vaughn a le secret depuis les Kick Ass et un rythme certain. Kingsman parodiait Bond, Kingsman II parodie Austin Powers. Une parodie de parodie. Blurp.

jeudi 12 octobre 2017

Blade Runner 2049 (Critique)


La SF, c'est l'imaginaire à fond les ballons. L'espace où tout est possible. Le paroxysme des genres. Blade Runner, l'original, se dispute le titre de Jupiter de la galaxie avec une poignée d'autres films de 2001 à Star Wars. A quoi bon donner une suite à pareil mythe? Vais-je un jour devoir souffrir un Pulp Fiction II? Harrison Ford ayant déjà ruiné deux personnages cultes (Indy et Han Solo), ne pouvait-il pas laisser Deckard en paix avec Rachel à tout jamais??? Après toutes les mauvaises suites à Terminator et Alien? Pourquoi??? Pourquoi cette volonté de refaire, de remaker, de rebooter tandis que la TV US croule sous les innovations? On perd nos légendes une par une (Bowie, Lemmy, Rochefort...) et on se fait ruiner nos souvenirs, nos fondamentaux les uns après les autres (Indiana Jones IV, Ghostbusters III, Terminator je sais plus combien, Le réveil de la Force...)... mais il y a un paradoxe... un doute... comme dans Blade Runner.

Le paradoxe, c'est que 2049 est une bien vilaine suite, qui laisse croupir Ford dans un coin pendant 1h30 avant de le rattacher désespérément à un script qui n'avait même pas besoin de lui. Il est là le paradoxe, la licorne dans la matrice. Blade Runner 2049 est le plus beau film de SF depuis la claque Matrix et une suite passable. En balayant l'héritage, en faisant table rase des clins d'oeil, des appears et du fan service, il est d'une beauté inégalée avec une direction artistique ahurissante puis on rajoute Deckard à l'enquête de K (Ryan Gosling impeccable) alors que l'on avait quasiment oublié être dans la suite du chef d’œuvre de Ridley Scott. Dès lors, on se retrouve avec un problème: résoudre les zones d'ombre de Blade Runner. Donner des réponses à une mythologie qui a fait couler tant d'encre et émerveiller plusieurs générations de geeks. Mais des réponses, on n'en veut pas. Alors on subit. Je n'avais pas été autant partagé devant un film depuis longtemps passant du "oh, sublime..." au "pas ça, c'est rageant". C'est long parfois, lent, on étouffe dans la brume, dans la pollution, avec un score martial un brin agaçant alors que Vangelis composait pour Scott l'une des plus belles BO de l'histoire. Là encore, la comparaison pique. Il y a des lenteurs oui avant que les masques ne tombent et que Jared Leto lâche les chevaux (deux scènes et puis basta...).

Alors, ça se tape le cul par terre. On encense Villeneuve. A raison, il fait un boulot de dingue et dans le respect de l’œuvre originale (c'est un minimum mais ça aurait pu être nawak). Mais comme Nolan ou Snyder, il divise. Je sais pas pourquoi, peut-être que c'est dans l'air du temps de tout tourner au clash ou au débat à coup de tweet... Première parle de "Parrain II de la SF". C'est ce qui m'a flingué la séance. Je partais avec cette superbe comparaison en tête et je ne pouvais qu'être déçu. Comme pour Mad Max: Fury Road. La Parrain II, steuplé. Va falloir que je le revois celui là avec la déception passée pour voir si je le récupère. Ou alors il faut que j’arrête de m'acharner, que je reste avec mes souvenirs sanctuarisés et inviolés, que je refuse toute tentative de remise au goût du jour. Que je reste avec Plissken, Deckard et Ripley. Doc, on y retourne!