jeudi 15 septembre 2016

Comancheria (Critique)


Quelle belle péloche que ce Comancheria (Hell or High Water, titre US, renvoie à un type de contrat dont les clauses retombent sur les descendants) avec de grands espaces, de la bonne musique, des accents à couper au couteau, le tout mis en boîte avec classe. David McKenzie, réalisateur de Toy Boy et de Les Poings Sur Les Murs, n'était pas attendu dans ce registre du western moderne. L'anglais apporte au film de genre purement américain un regard sans pathos propre au cinéma britannique biberonné par Ken Loach. Le Texas de McKenzie est un état de merde: les stations sont désaffectées au pays de l'or noir, les pancartes 'Sale' se succèdent les unes aux autres, les banques avides s'emparent des moindres miettes, les familles explosent, les gens s'endettent. Autant de mèches susceptibles d'être allumées... Deux frangins décident de braquer des banques... pour pouvoir payer les dettes de leur mère, contractées auprès de cette même banque. Idée désespérée pour cause désespérée. Chris Pine est excellent en père divorcé lessivé, Ben Foster, dans un rôle à la Tom Sizemore, prêt à dégoupiller à chaque scène, est irrésistible et puis il y a Jeff Bridges. LE Dude. Un acteur qui fait partie de mon Mont Rushmore perso. Un petit tic de moustache à la Marlon Brando dans le Parrain, un regard fatigué sur la vie: il incarne ici un marshall au seuil de sa vie, effrayé par le lendemain, par le glas qui approche, par la fin de sa carrière, par sa retraite imminente. Un rôle crépusculaire pour l'un des derniers mavericks (avec Tommy Lee Jones et une poignée d'autres). Bien sûr, ça lui va comme un gant et le lien tissé avec son collègue mi-comanche, mi-mexicain, est à la fois drôle et touchant, humain et émouvant. Tout en étant xénophobe. Paradoxe qui, comme la banque à la fois pilleur et pillée, revient dans ce film à deux faces. Ou plutôt comme deux côtés, deux côtés d'une seule et même pièce, la pièce jetée par Anton Chigurh dans No Country For Old Men. Impossible de ne pas penser au film des frères Coen pendant Comancheria, même si la dimension misère sociale l'emporte ici sur la chasse à l'homme. La grande différence avec No Country, c'est qu'ici le silence des plaines est interrompue par un score de belle facture orchestré par les compères Nick Cave et Warren Ellis. Le meilleur film de la rentrée.

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